Selon cette étude, 53 % des profils expérimentés se disent soulagés à l’idée de voir leur carrière toucher à sa fin. Cette perspective leur offre enfin l’opportunité de « prendre du temps pour eux », après plusieurs décennies d’activité intense. Ce soulagement est cependant nuancé par une certaine fatigue physique et mentale : 28 % des répondants l’expriment ouvertement. « Cela ressemble à un essoufflement de fin de carrière », analyse Aimeric Raynaud, fondateur de JobToo, une plateforme dédiée à la reconversion professionnelle des seniors.
Mais au-delà de la fatigue, une autre source de préoccupation émerge : l’inconnu de l’après. 22 % redoutent une forme de relégation – la perte de leur statut social, un isolement progressif, ou encore une baisse de la stimulation intellectuelle. Un ressenti renforcé par les situations familiales complexes que traversent certains : soutien à des enfants en difficulté d’insertion professionnelle, ou rôle d’aidant auprès de parents âgés, comme le souligne Monelle Barthélemy du Club Landoy.
Face à ces constats, deux solutions complémentaires émergent : le travail à temps partiel et le portage salarial, notamment pour ceux qui souhaitent rester actifs sans subir les contraintes du salariat traditionnel.
54 % des actifs expérimentés souhaitent pouvoir exercer un autre métier à temps réduit, dans un secteur de leur choix. Et ils ne sont pas seuls à porter cette vision : 52 % de l’ensemble des salariés estiment que leurs collègues plus âgés devraient pouvoir bénéficier de ce dispositif.
Cette activité partielle se veut avant tout une activité « plaisir », souvent orientée vers des métiers manuels, de bouche, ou de soin. Une manière de garder un lien social, de rester utile, tout en préparant sereinement la suite. Aimeric Raynaud parle même d’un « basculement progressif vers la suite de leur projet de vie », bien plus constructif qu’une rupture brutale avec le monde professionnel.
Le portage salarial, quant à lui, séduit de plus en plus les seniors en quête d’autonomie et de souplesse. Il leur permet de proposer leurs services en toute indépendance – notamment dans le conseil, la formation ou l’expertise – tout en conservant les avantages du statut salarié : protection sociale, cotisations retraite, assurance chômage. Une solution hybride qui répond parfaitement aux aspirations des profils expérimentés souhaitant allier liberté professionnelle et sécurité.
Pour les entreprises, cette évolution du rapport à la fin de carrière représente une véritable opportunité. Comme le souligne Stéphane Kolb, directeur général adjoint de la Banque Populaire Aquitaine, « il est fondamental que les managers adhèrent à cette nouvelle organisation ». En effet, un meilleur accompagnement des salariés expérimentés offre de multiples avantages : optimisation de la masse salariale, gestion plus fine des compétences, renforcement de la marque employeur et amélioration des indicateurs extra-financiers (ESG).
Ces dispositifs – temps partiel et portage salarial – permettent également aux entreprises de continuer à bénéficier de l’expertise de leurs seniors, tout en leur offrant une flexibilité accrue. Ils contribuent ainsi à une gestion plus agile des ressources humaines et à un climat de travail intergénérationnel apaisé.
Si le modèle français reste encore réticent à généraliser ces dispositifs, des pays comme le Danemark montrent la voie en repoussant l’âge de la retraite tout en aménageant des parcours professionnels plus souples et personnalisés. En France, les premières initiatives émergent. « Nous voulons être à l’initiative de ces innovations sociales », affirme Stéphane Kolb, convaincu que les entreprises ont un rôle central à jouer dans cette transformation.
L’objectif : faire de la fin de carrière une période de transition active, et non un arrêt brutal. Une période de transmission, de valorisation de l’expérience, et de réinvention personnelle.
Le temps partiel choisi, associé à des formes alternatives d’emploi comme le portage salarial, constitue une réponse équilibrée aux défis de la fin de carrière. Ces dispositifs répondent à la fois aux besoins d’épanouissement des seniors et aux enjeux stratégiques des entreprises. L’enjeu est désormais de les intégrer pleinement dans les politiques RH pour faire de cette phase une aventure professionnelle à part entière – active, épanouie, et librement choisie.
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